Souffrance au travail : la direction d’Orange veut casser le thermomètre

Une veille sanitaire qui fait autorité

Poussée par la médiatisation des suicides de l’été 2009 à France Télécom, la direction, sous « la période Lombard », avait a été contrainte d’instaurer une veille sanitaire, consistant en une enquête triennale par questionnaire sur les « risques psychosociaux » (RPS). Cette enquête est fondée essentiellement sur 6 indicateurs qui font aujourd’hui autorité : les « facteurs psychosociaux de risque au travail » du rapport GOLLAC de 2011.

Une enquête qui met à mal deux mesures phares des politiques d’entreprise.

Pour la première fois, l’enquête de 2021 a permis de mettre en évidence des liens statistiquement significatifs entre politique d’entreprise et dégradation de certains facteurs de risque : 1° « recours à la sous-traitance » et « conflits de valeurs » ; 2° « baisse des effectifs » et « intensification du travail ». Les conséquences sur la santé des salarié.es sont désormais bien documentées : pathologies anxio-dépressives, maladies cardio-vasculaires et troubles musculo- squelettiques (TMS).

Manœuvres grossières

Lors du dernier Comité national de prévention du stress (CNPS)2 consacré au renouvellement de l’appel d’offres en vue de l’enquête de 2024, la direction d’Orange a usé d’une manœuvre grossière pour tenter d’évincer le cabinet agréé qui avait réalisé l’enquête de 2021, en proposant l’institut de sondage BVA, nullement agréé santé et conditions de travail. Une manière de se débarrasser des indicateurs GOLLAC reconnus par les DRIEETS (ministère du travail), et d’avancer des facteurs de stress externes tels que ceux évoqués récemment par Christel Heydeman lors du suivi du dispositif d’indemnisation et de réparation du harcèlement moral institutionnel de la période Lombard : les guerres, le climat, l’inflation...

Autre stratagème employé par la direction : multiplier les « sondages flash » sur le « bien-être au travail » ou la « QVT » (Qualité de Vie au Travail), considérations managériales qui n’ont aucune valeur scientifique, pour dégoûter les salarié.es des questionnaires et décrédibiliser l’enquête du CNPS.

Une veille pour la santé et les conditions de travail qui inquiète le capitalisme financiarisé

Pour SUD, ces mystifications éhontées résultent d’un lobbying patronal qui vise à se soustraire à ses obligations de santé, de sécurité et de prévention au travail pour satisfaire les intérêts de la finance. Elles ont le vent en poupe et opèrent la casse du Code du Travail et de ses jurisprudences, à l’instar de l’article 39 du PLFSS 2024 (projet de loi de financement de la Sécurité sociale), qui ferme la possibilité aux travailleur-se-s d’une meilleure indemnisation en cas notamment de Faute Inexcusable de l’Employeur.

Tous les subterfuges du patronat, comme cette dernière tentative d’Orange visant à échapper à ses responsabilités civiles et pénales, devraient alerter et engager l’ensemble des organisations syndicales ainsi que tous les autres acteurs de la santé publique.

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