Derrière les profits de Geopost, la surexploitation des travailleurs sans-papiers

Le 29 juillet, le groupe La Poste publiait ses résultats pour le premier semestre 2022. Le titre du communiqué de la direction est tout un poème : « Le groupe La Poste poursuit le développement de sa stratégie et consolide ses résultats, qui enregistrent les premiers effets d’un contexte macroéconompique adverse ». De la langue de bois massif, pour justifier une stratégie censée sauver La Poste, et au nom de laquelle des sacrifices toujours plus grands sont exigés des salarié·e·s, sans parler du service public dont la dégradation est continuelle.

Mais, au-delà de ces éléments de langage patronaux, il n’est pas inintéressant d’observer les chiffres un peu dans le détail. Les profits de GeoPost / DPDGroup, la holding filiale du groupe dans l’activité du colis, pèsent pour beaucoup dans les résultats du groupe. GeoPost, c’est 7,5 milliards d’euros de chiffre d’affaire (43 % du CA de La Poste), et 296 millions de résultat d’exploitation—les bénéfices avant impôt—qui représentent 67 % du REX global. Autant dire qu’avec la Banque Postale, Geopost est une des sources principales des bénéfices engrangés par le groupe. 

Le communiqué de presse de la direction de la holding se félicite par ailleurs de la hausse du CA par rapport au premier semestre 2021, pourtant exceptionel en raison des restrictions liées à la crise sanitaire, qui ont depuis été levées.
Or ces profits ne viennent pas de nulle part. Ils sont le fruit d’une exploitation particulièrement féroce, en particulier de la main d’œuvre sous-traitante. Le PDG du groupe Philippe Wahl, rappelons-le, assume le recours massif à la sous traitance au colis. Il déclarait ainsi, en février 2021, « Si nous avions les conditions sociales des facteurs transposés sur tous les salariés de Chronopost, Chronopost disparaîtrait ». Son discours n’a pas changé depuis. En revanche, M. Wahl est un peu moins droit dans ses bottes quand il s’agit d’assumer jusqu’au bout les conséquences de sa politique sociale.

Car au bout de la chaîne de sous-traitance et au sein des plateformes et des agences où sont triés les colis, se trouvent les salariés les plus exploités : les travailleurs sans-papiers. Horaires impossibles, conditions de travail horribles, heures supplémentaires non payées sont leur quotidien. C’est contre cette situation, permise par leur situation administrative, que les travailleurs sans-papiers de DPD du Coudray-Montceaux et de Chronopost d’Alfortville luttent depuis près de neuf mois et demandent leur régularisation, avec leurs camarades de l’agence d’intérim RSI de Gennevilliers.

Depuis le début de cette lutte Philippe Wahl, tout comme les dirigeants de DPD et Chronopost, refusent de fournir les documents permettant d’aboutir à la régularisation de ces salariés, qui travaillent pourtant pour le compte de son entreprise. La fédération Sud PTT a assigné La Poste devant le TGI de Paris pour non respect de son devoir de vigilance. L’audience est prévue pour l’automne prochain. On peut légitimement espérer que la direction devra rendre des comptes.

Il faut en effet une bonne dose de cynisme pour à la fois se féliciter d’une stratégie permettant de maintenir les comptes du groupe à flots et dénier tout droit à ceux qui, par leur travail dans les pires conditions, contribuent aux bénéfices de ce dernier. Mais, la détermination des grévistes de DPD et Chronopost étant au moins aussi grande que le cynisme des dirigeants de La Poste, leur lutte continuera jusqu’à ce que justice leur soit rendue.

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