La Poste et Amazon, les pères Noël de l’épidémie ?

Le président de La Poste, Philippe Wahl, se réjouissait récemment sur Europe 1 de l’afflux record de colis dans les circuits postaux. Il affirmait que les volumes étaient équivalents, voire supérieurs au trafic de la période de Noël. Cette réjouissante perspective de business fait tout de même l’économie d’un détail majeur, la santé des postier•es.

Un nombre de colis record

La Poste affirmait une prévision de trafic colis en baisse de 30 % dès le début du confinement alors que l’on constate une forte augmentation de 60 à 70 %, cela avec des effectifs réduits de 20 %. Le contenu "essentiel" de la plupart des colis reste d’ailleurs très discutable...

Les colipostiers et les distributeurs prestataires emportent jusqu’à plus de deux cents colis par jours pour une centaine d’ordinaire, manipulent plus de matériels et sont en contact avec plus d’usagers que dans les périodes normales. On a franchement l’impression que les grands discours sur la santé collective, le confinement et la pandémie mondiale sont un décor qui n’influent en rien sur les cadences demandées à nos collègues. Et ce n’est pas le choix d’aider Amazon à contourner sa condamnation qui va arranger les choses.

Amazon contourne une injonction judiciaire, La Poste laisse faire

Depuis la fermeture temporaire des entrepôts d’Amazon en France le temps d’évaluer les me- sures de sécurité de son personnel, la société a ajusté sa logistique et déporté ses commandes sur ses sites frontaliers. Résultats, quand elle n fait pas tourner à fond sa filiale Amazon Trans- ports France qui n’est pas visée par le jugement, des camions entiers arrivent d’Allemagne, d’Es- pagne et d’Italie, dans les plateformes colis et un grand nombre de palette dans les agences colis de distribution postaux qui augmentent mécaniquement la charge de travail des distributeurs.

Alors qu’Amazon est censée ne plus livrer que des produits alimentaires, médicaux ou d’hygiène, des colis avec tout et n’importe quoi dedans arrivent dans les circuits postaux. La capacité re- marquable du groupe à contourner une décision judiciaire est, sinon illégale, au moins scanda- leuse. Et La Poste, réjouit d’avoir un concurrent qui paye, laisse faire tranquillement.

La Poste et Amazon pas toujours concurrentes

Les deux groupes ont été condamné chacun - avec des contraintes judiciaires différentes - à dé- finir les missions essentielles et garantir la sécurité de leurs employés respectifs. Mais si la guerre concurrentielle est de mise en règle générale, il n’en est pas de même lorsque leurs intérêts respectifs sont en jeu. Là, les deux groupes s’entendent à merveille pour ne pas appliquer les règles pour faire peser le risque sur leurs salarié·es quand elle ne proclame pas toute honte bue, pour Amazon, avoir une activité essentielle à la vie de la Nation !

Peak épidémique et Peak de colis

Alors que la crise révèle la nécessité d’un vrai service public postal, qui maille largement le terri- toire et rende service à la population, on assiste à une course aux opportunités de marché. L’augmentation du nombre de colis à distribuer pose de nombreux problèmes sanitaires et met en risque nos collègues alors que le groupe La Poste, tout comme comme Amazon, refuse toujours de faire un bilan sanitaire lié aux contaminations COVID 19. Pourtant, il y a déjà des cas avérés, un salarié du site Amazon de Brétigny en réanimation voire des décès dans le groupe dont au moins un à Chronopost.

Les fédérations SUD Commerce et PTT dénoncent les pratiques d’Amazon et de La Poste qui se moquent du droit, des conditions de travail et de la santé de leurs agents et employé·e·s. Elles attendent que la condamnation du géant américain soit confirmée demain en appel et soutiennent le personnel américain qui s’est mis à son tour en grève pour faire respecter sa sécurité. L’heure n’est pas encore aux bilans sanitaires de la crise mais il est d’ores et déjà évident que la course aux colis et aux profits se fait au détriment de nos vies.

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