La Poste - Chronique d’un naufrage environnemental

La Poste vient de publier les chiffres de ses émissions de CO2 pour l’année 2021. Ils sont en hausse de 30%, alors qu’une augmentation de l’ordre de 43% avait déjà été constatée sur l’exercice 2020. Cette dérive pose des questions sous la lumière particulière des effets de la dépendance aux énergies fossiles exacerbée par le conflit russo-ukrainien.

En préalable se pose la question des choix du groupe La Poste, qui continue à privilégier les transports routier et aériens en excluant définitivement la solution ferroviaire. On en veut pour preuve l’abandon de la plate-forme de Bonneuil sur marne, bâtie pour 23 millions d’€ en 2014 sous le sceau de « l’ambition du fret combiné multimodal ». Il y a dix ans aussi disparaissait la co-entreprise Fret GV constituée avec la SNCF destinée à orchestrer le remplacement du courrier/colis aérien par du fret ferroviaire à grande vitesse en parallèle avec la vente de la compagnie Europ Airpost. Ce choix qui favorise largement les secteurs automobile, autoroutier et pétrolier relève aussi de la responsabilité de l’État propriétaire et tutelle qui a constamment négligé la migration du fret postal rapide vers le rail. Depuis 2006, les gouvernements se sont succédés sans jamais mettre les deux entreprises publiques SNCF et Poste face à leurs responsabilités écologiques.

Un moment crucial

Pourtant, tous les rapports du GIEC vont dans le même sens : les objectifs de l’accord de Paris ne seront pas respectés avec le maintien actuel du rythme du développement industriel et commercial. La puissance publique (Etat et CdC) a la main sur la stratégie du plus grand groupe logistique du pays, nous pensons que c’est une vraie chance pour infléchir les pratiques avec un transfert massif des trajets longue distance vers le rail. Au lieu de cela le groupe La Poste garde le champ libre pour déterminer sa politique environnementale.

Crucial aussi quand les perspectives de croissance du secteur du colis atteignent plus d’un milliard d’items pour Colissimo à l’horizon 2030, de quoi dicter une réorientation radicale des moyens de transport. Il s’agit aussi de penser les infrastructures au cœur des villes où parviennent les trains, là aussi la stratégie de massification de La Poste dans des plates-formes per- dues au milieu des champs est un vrai pied de nez aux questions de transition écologique.

Une communication mensongère

En éludant tout débat sur le choix du tout routier, le groupe a orchestré sa communication RSE autour de la neutralité carbone. La Poste serait le premier groupe à compenser intégralement ses émissions en achetant du droit à polluer, super ! Cet oscar du greenwashing attribué par VIGEO_EIRIS valide une baisse de 20% d’émissions de gaz à effet de serre entre 2013 et 2020. Un curieux bilan quand les données issues des rapports RSE de La Poste donnent pour la même période une croissance de 43% des gaz à effet de serre pour les transports. Pour 2019-2021 on est à +84%, on a trop hâte de voir la récompense que ça va rapporter !

Publication 2020 La Poste, cliquez ici

Pour les dirigeants du groupe, l’écologie est avant tout affaire de communication

Le nouveau faux nez écolo de La Poste est le « zéro émissions carbone ». Un processus qui selon les rapports d’ONG comme Action Aid ou Amis de la Terre permet à une majorité de gouvernements et de multinationales d’éluder leurs responsabilités environnementales, en transférant leur « fardeau de pollution », en travestissant leur action climatique et dans certains cas en assumant l’augmentation de leur recours aux énergies fossiles. Ce dernier argument concerne directement La Poste qui table sur une forte croissance dans le colis express, en volumes mais aussi en terme d’acquisitions. Les engagements “zéro émission” sont des objectifs modestes et lointains qui ne nécessitent aucune action avant des décennies. Ils reposent sur des promesses de technologies qui ont peu de chances de fonctionner à grande échelle et risquent de causer d’énormes dommages si elles se concrétisent. Voilà l’envers du décor de la démarche adoptée par le groupe La Poste qui se donne jusqu’à 2030 pour mettre en place cet écran de fumée !

Une croissance qui carbure

La “croissance” du groupe repose en partie sur l’expansion internationale de l’express, avec par exemple la prise de contrôle progressive d’ARAMEX le premier "expressiste" du moyen orient basé au Qatar. Le rapport aux énergies fossiles de ce type de “partenaires” se passe de commentaires, or comme pour les aspects sociaux et conditions de travail, ce genre de critère n’a jamais pesé dans la décision de conquête de ce marché.

Ce qu’il faut faire sans tarder :
- Investir dans une transition vers des systèmes d’énergie 100% renouvelables, créant de nouveaux emplois et protégeant les travailleur-euses.
- Traiter les questions environnementales dans l’entreprise comme comme un vrai levier de transition écologique et non comme un outil de com.
- Stopper la boulimie de croissance externe du groupe et réorienter les efforts d’investissement vers les territoires et quartiers qui en ont le plus besoin.

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