Disparition du timbre rouge : postiers et usagers trinquent

Alors que la direction de La Poste a annoncé la dématérialisation de cette vignette, sous couvert de mieux répondre aux besoins des usagers, les syndicats alertent sur cette numérisation forcée et les restructurations à venir.

La fin d’une époque. Le 21 juillet, l’annonce par La Poste de la suppression du timbre rouge a suscité l’émotion. Né en 1849, il était utilisé pour les lettres prioritaires depuis 1969. À partir du 1er janvier 2023, il laissera la place à une e-lettre dématérialisée, envoyée depuis laposte.fr jusqu’à 20 heures, puis imprimée dans la plateforme de tri et distribuée le lendemain sous forme d’enveloppe ornée d’un dessin de timbre rouge. Cette révolution, qui permettra, selon La Poste de « mieux répondre aux nouveaux usages des clients », devrait surtout engendrer 110 à 130 millions d’euros d’économie et acter la généralisation de la distribution des missives à J + 3. Mais d’autres zones d’ombre persistent.

Une disparition orchestrée

Selon La Poste, « les ménages envoyaient 45 lettres prioritaires par an en 2010 », contre « seulement cinq en 2021 ». Si la chute globale du courrier n’est pas contestée (– 60% entre 2008 et 2021), en lien notamment avec la numérisation des échanges, elle ne suffit pas à expliquer cette désaffection brutale pour le timbre rouge. L’entreprise met en avant le fait que la lettre verte (transmission à J + 2) est « plébiscitée » par les usagers. Dans les faits, le timbre rouge n’était plus vendu dans de nombreux endroits, bureaux de poste ou de tabac et automates, depuis un bon moment. « On l’a supprimé de manière drastique, dénonce Eddy Talbot de la fédération SUD PTT . C’est pour cela qu’il y a une baisse globale du trafic urgent : il s’est reporté vers le timbre vert. C’est une politique volontariste et concertée. Les buralistes avaient un pourcentage supplémentaire s’ils privilégiaient la vente du timbre vert. Sans compter que les tarifs du timbre rouge n’ont cessé d’augmenter. » Pour Romain Boillon, de la FAPT CGT, la chute de trafic devrait encore s’aggraver : « La société va de plus en plus vite, mais on ralentit volontairement le courrier. Plus l’acheminement va être long, plus les gens vont s’en détourner ! »

Une volonté écologique à deux vitesses

« Un bilan énergétique très lourd. » La Poste explique que le timbre rouge se traduit par des trajets en avion et en camion pour peu de marchandises, prenant l’exemple de la liaison Dijon-Rennes avec un véhicule qui parcourt 600 kilomètres chaque nuit pour seulement 500 lettres. D’ici à 2030, avec la e-lettre et la lettre verte à J + 3, le groupe pourrait économiser 60 000 tonnes de CO2, soit une réduction de 25 % par rapport aux offres actuelles, via la fin du transport aérien, du remplissage des camions et l’impression en plateforme de tri de ces fameuses e-lettres.

Pour la CGT, c’est au contraire le schéma « tout routier » qui se retrouve conforté. Le syndicat déplore l’absence de développement de l’acheminement ferroviaire depuis la suppression des TVG postaux. « On peut faire un Paris-Bordeaux en moins de trois heures en train, précise Romain Boillon, mais La Poste ne veut pas en entendre parler. Elle dit que c’est trop cher. Sans compter que les multiples réorganisations dans les plateformes de courrier et les restructurations des bureaux de poste ont éloigné les postiers de leur lieu de travail. Quant au courrier, il continue de faire des circuits pas possibles sur route avant d’être acheminé. »

Si les véhicules jaunes siglés sont massivement devenus électriques, des aberrations écologiques demeurent. « Il y a une explosion des gaz à effet de serre avec la hausse du trafic de colis et il est beaucoup plus compliqué de contrôler ces émissions vu la généralisation de la sous-traitance dans le secteur, pointe Hugo Reis, élu SUD PTT au conseil d’administration. La société n’arrête pas non plus de réaliser des acquisitions d’entreprises de colis, notamment au Moyen-Orient. La position de La Poste sur l’écologie, c’est avant tout : “Je pollue et je paie.” Elle mise sur la compensation carbone. » Un autre exemple vient quelque peu contredire le discours du groupe. La plateforme logistique de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), ouverte en 2015, devrait fermer début 2023. Présentée comme une vitrine verte car censée être raccordée au train ainsi qu’au trafic fluvial pour acheminer le courrier, elle baisse le rideau sans avoir accompli ce volet écologique.

Cécile Rousseau

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